Saint François d’Assise recevant les stigmates

Dans son écrin de verdure, l’église Saint-Martin de Jenzat abrite de remarquables peintures murales du XVe siècle, parmi lesquelles un « Saint François d’Assise recevant les stigmates », « La Peste noire », « les Actes de Sainte Catherine ».
Les deux premières font écho à des événements connus survenus à Jenzat : aux environs de 1348, la Peste noire que connut toute l’Europe et, en 1417, le mariage de Philippe d’Aubigny, seigneur de Jenzat, avec Catherine d’Hériçon.
On connaît moins le lien entre la peinture de Saint François et Jenzat, sinon la grande dévotion générale au Moyen-Âge finissant, envers Catherine d’Alexandrie d’une part, et Saint François d’Assise d’autre part, sans que ce dernier ne fasse référence à un important personnage local connu à ce jour. Cependant au XVe siècle, Saint François d’Assise, surnommé « il poverello », fut vénéré pour les vertus qu’il prônait : charité, pauvreté, humilité, un message spirituel nouveau pour l’époque.

La représentation de Saint François d’Assise recevant les Stigmates se situe sur le mur nord de la deuxième travée. Dans ce tableau encadré portant le nom de François, le saint nimbé occupe presque tout l’espace. Son compagnon, frère Léon est en prière à ses côtés.
François, agenouillé comme Léon et les bras ouverts, regarde vers le ciel où la scène se prolonge hors du tableau sur le mur perpendiculaire : un séraphin aux trois paires d’ailes et au corps d’homme émerge des nues, crucifié comme le fut Jésus. Des flèches relient les cicatrices du séraphin à François qui accueille ces plaies avec respect, plaies provoquées par les clous aux mains et aux pieds du Christ lors de sa Crucifixion, et par la lance à son côté droit, laissant écouler des gouttes de sang.

Né en 1182 à Assise en Italie, dans la province d’Ombrie, François est le fils d’un riche marchand drapier. Dans sa jeunesse, il connaît les plaisirs faciles de la classe aisée de son époque. En 1204, il participe à la guerre qui oppose sa ville d’Assise à la République de Pérouse. Blessé, puis fait prisonnier et malade, il abandonne son projet de devenir chevalier.
Dès lors, il décide de renoncer à toute richesse héritée de son père, et veut calquer sa vie sur celle du Christ, en se consacrant à la prière et au soulagement des pauvres et des lépreux. Il pratique alors la charité, la pauvreté, l’humilité et la pureté, accomplissant des miracles en guérissant des malades et même en rendant la vie (d’après La légende dorée). Il considère avec amour toute créature de Dieu, une idée nouvelle pour son temps que l’on retrouvera dans ses écrits : les « Actes Beati francesi », le « Cantique des créatures », dont les « Fioretti » sont une version simplifiée.


En 1210, le pape Innocent III reconnaît l’Ordre des Frères mineurs ou Ordre des Franciscains, fondé par François. En 1212, il est rejoint par Claire, fondatrice de l’Ordre des Sœurs Clarisses.
La règle franciscaine est adoptée définitivement en 1223, définissant le vêtement de l’ordre : tunique de bure et cordelière à trois nœuds (pauvreté, chasteté, obéissance). Les Franciscains fondent des couvents dans plusieurs pays d’Europe.

C’est à la Protioncule, proche du mont Alverna près d’Assise, où il a toujours vécu humblement, qu’il reçoit les Stigmates en 1224. Atteint d’une maladie des yeux, il se consacre à l’écriture et meurt en 1226. Il est canonisé en 1228. En 1979, le pape Jean-Paul II fait de Saint François d’Assise le Saint patron des Ecologistes.
Deux ans après sa mort, une première basilique est construite à la Protioncule, enchâssant la petite chapelle primitive qui abrite son tombeau. L’un des premiers portraits de Saint François y figure.

Vers 1280, dans un style encore byzantin, le peintre CIMABUE, classé comme « primitif de la Renaissance italienne» l’a représenté en pied aux côtés d’une grande « Vierge en majesté entourée de quatre anges » . Sa position en retrait reflète son humilité profonde.
Devenue trop exiguë pour accueillir les nombreux pèlerins, bien loin de l’esprit de pauvreté et d’humilité du saint, une luxueuse basilique, dite supérieure, est construite au-dessus de la première, et décorée par GIOTTO (1266-1327), peintre de la Pré-renaissance italienne.

CIMABUE, 1280 environ, Assise, Basilique inf.

Elève de Cimabue, GIOTTO peignit, d’abord à la manière byzantine, – fond or, personnages aux visages et attitudes figés- puis il s’en éloigna définitivement et innova – exprimant plus de mouvement, d’expression et d’émotion.
Entre 1295 et 1300, il décora la basilique supérieure d’Assise, retraçant la vie de Saint François en vingt huit tableaux : naissance, abandon de ses riches vêtements devant son père, approbation des règles de l’Ordre par le pape Innocent III, miracles, Stigmates, … . et jusqu’à la mort du saint.

GIOTTO, 1290, Musée du Louvre

L’épisode de « St François recevant les stigmates » a été repris par beaucoup d’autres peintres de la Renaissance italienne (Quattrocento et Cinquecento), tous prestigieux, Piero Della Francesca, Fra Angelico, Ghirlandaio, Uccello, Lippi, Raphaël…… Avec eux, la scène s’enrichit d’un paysage avec montagne (mont Alverna ) et la chapelle où priait François. Plus tard, d’autres peintres, d’origines et d’écoles différentes ont interprété le même thème : Van Eyck, Le Greco, Zurbaran, Ribera, Murillo…

Impossible de ne pas remarquer les similitudes entre nombre de ces peintures. En effet, le saint est très souvent représenté à gauche du tableau, agenouillé et frappé de stupeur, le séraphin est à droite, dominant la scène. Détail qui confirme l’hypothèse que la peinture de Jenzat, datant d’environ 1455, ait été exécutée d’après un modèle, « un carton », circulant parmi les peintres itinérants proposant leur travail aux seigneurs.
Le peintre de Jenzat a ébauché le dessin sur un enduit lisse et sec, contrairement à la peinture dite « affresco » où le support est humide. Il a utilisé des pigments en poudre, minéraux ou végétaux, ocres ou verts dilués dans un liant, colle ou œuf. Ce procédé a l’avantage de permettre les retouches, mais ces peintures « à la détrempe » peuvent s’altérer avec le temps car elles sont superficielles.

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